Société d'Histoire, d'Archéologie et des Arts du Pays Thouarsais

Il y a foule, ce lundi soir, au Palace, place Lavault. A l’invitation du directeur du cinéma, M. Laurier, et du Président de l’Aéro-Club, M. Aillerie, les Thouarsais se sont déplacés en masse ce 17 avril 1939 pour écouter la conférence donnée par Marthe Richard.

Son nom à lui seul est synonyme de mystère et d’aventures.

Forte du film qui lui a été consacré deux ans plus tôt avec la comédienne Edwige Feuillère dans le rôle principal, Marthe Richard connait une notoriété phénoménale et nombre de femmes sont en admiration devant celle qui fut espionne pendant la Première Guerre mondiale et aviatrice renommée.

Ce soir-là, à Thouars, le public est fasciné par cette femme de caractère au destin exceptionnel, décorée de la Légion d’Honneur pour servies rendus à la patrie, et qui sait si bien parler d’elle…

Se basant sur ses Mémoires qu’elle n’a pas omis de publier, elle raconte son entrée en espionnage pour venger la mort de son époux, tué au front en 1916, sa rencontre avec l’intrigante Mata-Hari et comment, en devenant la maitresse d’un attaché de l’ambassade d’Allemagne à Madrid, elle a pu dérober des documents essentiels pour l’Etat-major français, permettant la fin du conflit.

Partout où elle passe pour présenter sa conférence rémunérée, Marthe Richard fait sensation !

Mais de son passé de prostituée avant-guerre ou de son court remariage avec le Britannique Crampton qui, la laisse veuve et riche après deux années d’union, rien n’est dit ce soir-là.

Quelques mois plus tard, en septembre 1939, la guerre est déclarée. Marthe Richard ne cache pas son opposition au régime de Vichy et s’engage dans la Résistance, ce dont elle s’enorgueillit à la Libération.

Usant de son influence, et révélant son passé de prostituée, elle fait de la fermeture des maisons closes son nouveau combat. Une loi est votée en ce sens en avril 1946, renforçant la renommée de celle que l’on surnomme alors « La Veuve qui clôt » en référence à la célèbre marque de champagne.

S’attaquant aux réseaux de la prostitution, sans doute ne s’est-elle pas fait que des amis. Quelques mois après la promulgation de la loi dite « Marthe Richard » sortent les premières révélations sur sa supposée mythomanie.

Pendant les vingt années qui suivront, des voix s’élèveront sans cesse pour remettre en cause son passé d’aviatrice, d’espionne et de résistante. Au-delà de la femme qui a sans doute enjolivé son passé, on attaque surtout la femme libre, de mœurs et d’audace.

Meurtrie, se défendant mal face aux accusations qui viennent de toutes parts, Marthe Richard perd de son aura et ne parviendra jamais gommer cette suspicion qui colle désormais à son nom.

Elle meurt en février 1982 à l’âge de 92 ans.