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06 septembre 1899

Le sergent Laury de retour à Thouars après le scandale de la mission

Ce que l’histoire a retenu sous le nom de « Mission Voulet-Chanoine » révèle bien la violence que représenta souvent la colonisation des terres africaines.

Dans le cadre de la conquête du Tchad, voulue par le gouvernement français, une mission est envoyée en janvier 1899. Elle porte le nom de ses deux principaux chefs, les capitaines Paul Voulet et Julien Chanoine. Composée de deux cents tirailleurs soudanais, de cinquante spahis sénégalais et de plus de cinq cents accompagnants, hommes et femmes, réquisitionnés dans les villages, la longue colonne est encadrée par plusieurs officiers français dont le sergent-major Célestin Laury, originaire de Saint Jacques de Thouars. Agé de 30 ans, décoré de la médaille militaire et de l’Etoile noire du Dahomey, ayant déjà dix années d’activité au sein de l’armée, Laury a servi en Afrique mais aussi au Tonkin.

Connus par leur brutalité dans leurs précédentes missions au Niger et au Burkina-Faso, les capitaines Voulet et Chanoine n’ont pourtant jamais été sanctionnés par leur hiérarchie. Les conquêtes qu’ils ont menées avec succès ont même été amplement relayées par la presse. Quant à leur anglophobie assumée, elle leur assure plutôt la sympathie de leurs supérieurs dans cette période où les grandes puissances cherchent à se partager les terres africaines.

Mais cette fois-ci, les deux officiers sont allés trop loin. Le passage de leurs troupes sème la désolation dans les villages traversés. Face à la résistance des populations rencontrées, la mission Voulet-Chanoine a employé les grands moyens. En quelques semaines, des centaines de morts sont laissés au sol, dont des femmes, des vieillards et des enfants. On pille, on viole, on tue, on pend, on décapite…

Bientôt, les sous-officiers de la mission, dont le Thouarsais Laury, tentent de se désolidariser de leurs supérieurs. Le lieutenant Peteau trouve le courage de raconter ce qu’il a vu. A Paris, le scandale éclate, d’autant que le père du lieutenant Chanoine, encore ministre de la Guerre quelques mois plus tôt, est un anti-dreyfusard convaincu. La France vit alors les derniers soubresauts de l’Affaire Dreyfus. Aussi le gouvernement n’hésite pas à condamner les exactions de la mission Voulet-Chanoine, cherchant au contraire à valoriser l’aspect civilisateur de la conquête africaine.

Le colonel Jean-François Klobb et le lieutenant Meynier sont envoyés par le gouvernement français pour stopper la mission et arrêter les protagonistes. Sur plus de deux mille kilomètres, ils vont suivre leur piste et notifier les drames vécus par les populations. Le 14 juillet 1899, à Dankori, au Niger, le lieutenant Klobb et ses hommes se retrouvent face aux soldats de la mission. Voulant arrêter Chanoine et Voulet, le lieutenant Klobb est abattu froidement par Voulet. Dans un accès de démence, celui-ci arrache ses galons militaires et s’écrie :

« Je ne suis plus français, je suis un chef noir. Avec vous je vais fonder un empire ! ».

La confusion est totale, les tirs s’enchaines de part et d’autre. Le Thouarsais Laury serait lui-même blessé. Deux jours plus tard, dans ce chaos, les soldats se mutinent. Voulet et Chanoine sont tués par les propres hommes et enterrés sur place. La mission se rend.

L’enquête est bâclée et conclue officiellement à la folie des deux lieutenants, due à la chaleur africaine. De retour en France en août 1899, Célestin Laury est entendu sur sa participation aux exactions commises. Il ne sera pas inquiété et poursuivra sa carrière militaire.

Le concernant, la presse thouarsaise, évoquant le drame de la mission Voulet-Chanoine, écrit « Nous aimons à penser que ce sous-officier n’a aucune responsabilité directe dans cette affreuse affaire ». Le 6 septembre 1899, on apprend que Laury est arrivé discrètement en gare de Thouars et passe quelques jours de repos chez ses parents. Lors de la Première guerre mondiale, il sera promu capitaine et fera acte de bravoure. Après avoir quitté l’armée, il décèdera à Châtellerault en 1949, emportant peut-être avec lui un secret…

Effectivement, en 1923, pour compléter l’enquête, le gouvernement français fit ouvrir les tombes de Chanoine et Voulet. Elles étaient vides ! Depuis, personne ne sait ce que sont devenus les corps.

 

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