Société d'Histoire, d'Archéologie et des Arts du Pays Thouarsais

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01 mai 2022

La SHAAPT inaugure une stèle en l'honneur des familles juives thouarsaises déportées


Dans le cadre de l’hommage aux familles juives thouarsaises déportées, une stèle commémorative a été érigée dans les jardins de l’Hôtel de Ville. L'inauguration a eu lieu ce samedi 30 avril en présence d'une centaine d'habitants thouarsais, de personnalités et des représentants des familles.
Vous avez été nombreux à accompagner la SHAAPT dans ce projet mémoriel en assistant à la conférence donnée par Marie-Danielle Lenne, membre de la SHAAPT et chercheuse en Histoie, à l'origine du projet, à la cérémonie du souvenir et à la projection du film de Louis Malle, "Au revoir les enfants".
Cette initiative associative a pu se concrétiser grâce au soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, à la Ville de Thouars et au Conseil départemental

Voici le discours prononcé par Damien Cocard, Président de la SHAAPT, lors de l'inauguration de la stèle


Mesdames, Messieurs,

 

Bonjour et merci d’être venus si nombreux à l’inauguration de la stèle commémorative des Juifs thouarsais morts en déportation à Auschwitz Birkenau. Cet évènement mémoriel, à l’initiative de la SHAAPT, n’est pas une manifestation officielle. Aussi m’excuserez-vous tous de ne pas me conformer aux usages protocolaires habituels dans la litanie des messages d’accueil et de remerciements.

En effet, ce n’est pas en premier lieu les officiels que je souhaite saluer et remercier de leur présence mais vous, familles des victimes, qui êtes venus en nombre participer à cette inauguration. Votre présence, non seulement nous honore, mais surtout donne humanité à ceux auxquels nous rendons hommage.

Je pense aussi avec reconnaissance à celle qui a su nous réunir aujourd’hui : Marie Danièle Lenne, membre de la SHAAPT. Elle est à l’initiative de ce projet qu’elle porte depuis deux ans. Elle a fait revivre les ombres fantomatiques de vos familles auxquelles, j’oserais dire, elle appartient désormais un peu.

Si un tel projet procède avant tout de l’humain, il ne peut se réaliser sans un fort soutien. A ce titre, je remercie en premier lieu la Fondation pour la Mémoire de la Shoah qui a accompagné avec bienveillance nos demandes et a répondu avec générosité à notre impérieux et tardif devoir de mémoire.

Je remercie également Monsieur le Maire et la municipalité de Thouars qui se sont immédiatement et rapidement saisis du projet, l’ont soutenu et ont également mobilisé les services techniques de la Ville pour permettre d’ériger en un temps record la stèle que nous allons découvrir aujourd’hui.

Je remercie également de leur générosité les mécènes de la Shaapt et plus particulièrement Rachel Vernier Normand pour son don spécifique. Je n’oublie pas l’entreprise Niort pour son travail et pour ses devis sans cesse plus bas alors que nos demandes étaient sans cesse plus fortes.

Je remercie le Conseil Départemental des Deux-Sèvres fidèlement engagé dans les actions mémorielles de la SHAAPT.

Merci à vous, représentants de la République, madame la Sous-Préfète, Monsieur le Député, Mesdames et messieurs les représentants des Sénateurs, Mesdames et Messieurs les Conseillers Départementaux, Mesdames et Messieurs les Maries et les élus.

Enfin, merci à vous, foule nombreuse de citoyens dont la présence dit à nos invités et aux juifs de Thouars déportés que nous faisons, ensemble et de nouveau, société même si, dans le passé, nous n’avons peut-être pas toujours su aller vers ceux qui étaient venus cherchez sur nos terres thouarsaises sécurité et protection.

Ils s’appelaient Lazare, Samuel, Marguerite, Eugenie, Sami, Henri, Adélaïde, Blanche, Théodore, Lucie, Julie... Ils venaient de France et avaient leurs origines dans toute l’Europe, de Russie à la Roumanie, de l’Autriche à la Turquie.

Pour la plupart, ils avaient quitté leurs racines, abandonné leurs maisons, bouleversé leurs vies sous la pression d’un antisémitisme de toujours que venait exacerber le discours des hommes aux chemises brunes.

Dans l’Europe de leurs tourments, la France, terre de liberté, dû leur apparaitre comme un rempart contre la barbarie. Et dans cette France aux milles paysages, ceux du Thouarsais avaient peut-être su, par choix ou par défaut, leur proposer de faire ce qui n’aurait dû être qu’une étape, un havre de paix ou un simple refuge, le temps de reprendre vie, souffle et espoir entre le rêve d’un hypothétique retour et celui d’une fuite en avant vers une terre d’avenir.

Ils étaient serveur à l’hôtel du Cheval Blanc, commerçant rue St Médard, serveuse à la Villa du Viaduc, imprimeur rue Anatole France, marchand ambulant sur les routes du Thouarsais, tailleur à Ste Radegonde, ingénieur, retraités…

Qu’ont-ils vécu sur nos terres ? Qui ont-ils rencontré à l’ombre de nos vielles pierre ? Ont-ils trouvé le réconfort ? Ont-ils bénéficié de nos secours ? Ont-ils trouvé la chaleur que leur statut de réfugié commandait à la plus simple des humanités ? Non ne le saurons certainement jamais.

Alors restons-en aux certitudes. Il y eut un jour, il eut un soir, il y eu une nuit, où ces hommes et ces femmes, ces enfants et ces personnes âgées ont été arrachés à leur liberté d’être humain par des gendarmes Français qui, au nom du gouvernement de la France de Vichy, faisaient de leurs origines et de la religion de leurs ancêtres un crime que même la peine de mort ne pouvait seule effacer.

Dans cette gendarmerie de Thouars, juste dernière nous, entre ces murs patrimoniaux dont nous sommes si fiers, commençait le long calvaire des innocents qu’on dépouille, qu’on maltraite, qu’on sépare, qu’on affame, qu’on humilie, qu’ont torture, qu’on désincarne et qu’enfin on achève et que l’on réduit en cendres dans l’enfer des camps de concentration.

Oui, ne réduisons pas notre responsabilité à la simple rafle mais prenons en conscience ce long chemin de l’horreur qui commence dans la douceur millénaire de notre cité pour finir dans la modernité et l’efficacité effroyable de la machine de mort d’Auschwitz Birkenau.

Ces jours-là, ce ne sont pas seulement des destins qu’on a brisés, c’est plus grave et plus douloureux encore : on a fait perdre à l’Homme tout espoir en l’humanité.

80 ans plus tard, nous sommes tous là, à l’endroit même du début de l’ultime acte du drame de leurs vies. Nous sommes tous là, face à cette pierre glacée, gravée de simples noms qui cachent dans la profondeur du granit les récits des enfants, les rires des amants, les joies des amis mais également les victimes suppliciées qu’ils furent tous.

Et aujourd’hui, vous êtes à nos côtés. Vous vous prénommez Marie Christine, Marie Hélène, Danièle, Simone, Catherine, Marie Annick, Régine, François, Alexandre et Camille. Vous êtes leurs familles, venues ici renouer les fils de ces vies interrompues, reconnecter le passé au présent, le drame au pardon, la culpabilité cachée à la renaissance de nos mémoires.

En venant ici témoigner du livre de l’horreur de leurs vies, vous inscrivez leurs noms dans le livre d’honneur de notre ville, hommes parmi les hommes, citoyens Thouarsais parmi les citoyens Thouarsais.

Et puis vous n’êtes pas seuls. Thouarsais, nous sommes là venus en nombre pour recouvrir la mémoire qui nous lie à leurs histoires. Remplir ensemble ce devoir de mémoire qui n’a pas pour vocation de faire surgir chez nous la honte. Ce devoir de mémoire doit nous enseigner, nous éclairer et faire de nous, en ces temps incertains, des humains dressés contre ceux qui abandonnent ou frappent d’exclusion les réfugiés et ceux qui, bien souvent les mêmes, excluent, maltraitent ou condamnent les hommes au nom de leurs différences.



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