08 juin 1911
Il fait chaud ce 8 juin 1911. Après avoir longtemps marché depuis sa précédente halte, le colporteur André Menato s’arrête dans l’auberge tenue par Louis Lesquillard, à Saint Jean de Thouars. Il a faim et soif. A 19 ans, le jeune Menato sillonne les routes, proposant colifichets, tissus et autres fantaisies sur les places de village. De ses origines tyroliennes, il a gardé un fort accent.
L’ayant entendu passer sa commande, deux ouvriers déjà attablés font un commentaire sur ce qu’ils croient être un accent italien. S’ensuit une diatribe sur les italiens et la réputation qui leur collent à la peau depuis plusieurs années déjà. L’affaiblissement économique de l’Italie né du rassemblement des diverses provinces de la péninsule a conduit sur les routes d’Europe nombre de familles misérables et les accords signés entre le nouveau royaume italien et l’Allemagne en 1882 ont fait passer les habitants de la « sœur latine » dans le camp des ennemis ; on les appelle désormais les italboches ! En France, le racisme contre les Italiens en devenu chose ordinaire…
Bien que n’étant pas concerné puisque que n’étant pas italien, Menato subit les quolibets sans broncher. Même quand l’aubergiste lui propose de changer de salle, il préfère rester à manger en silence.
Ce mépris ne peut qu’attiser la haine des deux terrassiers, Fillault et Réjent, déjà bien avinés. Alors que Menato s’apprête à partir, une dernière insulte le fait sortir de ses gonds. S’emparant d’un couteau, il blesse les deux compères avant de s’enfuir. Il est finalement arrêté par les gendarmes dans le jardin du voisin, le vétérinaire Alcide Arthus.
Soignés par le Dr Samuel Petiteau, Fillault et Réjent sont envoyés à l’hôpital de Thouars où ce dernier décèdera d’une péritonite.
Le jeune Tyrolien est dès lors inculpé pour deux crimes : homicide et tentative d’homicide.
Le 12 septembre, au tribunal de Niort, Menato cherche à se disculper en justifiant sa réaction de colère mais le président du tribunal prend fait et cause contre lui.
Finalement, le jury reconnait au jeune homme des circonstances atténuantes. Disculpé de meurtre, il est toutefois condamné à deux ans de prison.
Source : Olivier Goudeau « Les grandes affaires criminelles en Deux-Sèvres » Ed. Geste
SHAAPT
BP 17
79100 thouars